#1. Caitlin : Un soupçon de magie

Grimpant les marches de l’institut, les deux jeunes hommes étaient grimés sans que ce ne soit forcé. Tomas avait les cheveux plus clairs qu’à l’accoutumée et des yeux verts perçants. Lazar s’était lissé les cheveux et les avait tiré en arrière, ce qui lui donnait un air intellectuel qui ne lui sied pas du tout quand on connaissait le caractère léger du jeune homme. Les lunettes rondes arrangées sur le bout de son nez, il fixait du coin de l’œil le jeune Burton qui remettait pour la dixième fois le bouton de sa manchette gauche d’un air nerveux. Tous les deux étaient enrobés dans un bleu de travail peu avantageux.

« T’es sûr que tu veux pas une clope ? »

Le regard terrible de Tomas répondit de lui-même. Lazar leva les yeux au ciel et ajusta sur son buste le badge où était écrit en gros et en gras «  Philip ». Tomas, appelé « Terrence » sur son badge, inspira profondément, une fois, puis deux, avant de se tendre.

« Tu comptes faire quoi ce weekend ? »
« J’en sais rien Laz’… » marmonna le second, d’un air embêté.

Pour de vrai, il n’avait rien prévu. Peut-être qu’il irait au Lupanar. Ça faisait longtemps qu’il n’y avait pas fait un tour, mais il n’avait pas très envie non plus de s’éloigner. En fait, il n’avait pas très envie de faire cette mission.

« Qu’est-ce que t’as dit Peter à propos du tableau ? »

Lazar haussa les épaules, et prit un air théâtral avant de déclamer :

« Voir le monde dans un grain de sable et le paradis dans une fleur sauvage ; tenir l'infini dans le creux de sa main et l'éternité dans une heure… »

L’air de Tomas se fit plus sombre.

« … c’est quoi, ça ? »
« J’sais pas » le loup-garou haussa les épaules « de la poésie j’imagine… »
« Sans rire… »

Burton eut un petit ricanement, levant les yeux au ciel. Il croisa les bras dans son dos en soupirant doucement, faisant de nouveau face aux deux immenses portes qui coupaient l’Institut des arrières salles où on travaillait sur les restaurations. Burton comme Neveritshme n’avaient jamais rien compris à l’art et ne cherchaient pas vraiment à s’y intéresser.

Ils n’étaient là que parce que Peter Greene s’était pris une âme d’artiste… et les avait envoyé faire le sale boulot, comme d’habitude.


Ils attendirent de longues secondes qui parurent une éternité aux deux compères avant qu’enfin il n’y ait du bruit. Un raclement métallique. Ils se regardèrent et se penchèrent pour attraper quelques outils – une grosse boîte était ouverte et laissée entrevoir les nombreux tournevis et marteaux. Il y en avait énormément, de plusieurs tailles, douleurs, et certains étaient spécialisés. Celui que tenait Tomas était clairement un tournevis « électricien », et c’était tout calculé comme il l’enfonçait déjà dans de toutes petites vis. Les deux avaient tout bonnement l’air de deux électriciens en plein travail, et quand passa devant eux le plateau sur lequel tenait la toile miniature de 20 centimètres de large, ainsi que les collègues de l’Institut, personne ne remarqua que Philip avait quelque peu bronzé et que Terrence avait beaucoup maigris.

Bien sûr, leur existence n’était finalement que bien peu de chose comparée à la fortune que coûtait « The Ghost of the Flea » de William Blake, mais les ignorer serait une cruelle erreur.

Tomas suivit du regard le cortège, croisant un court instant le regard d’une jeune femme blonde qu’il reconnut, mais seulement vaguement. Il lui fut impossible de remettre ce visage dans le temps. Etait-elle une ancienne copine ? Impossible, il n’en avait pas eu depuis des lustres, et quand bien même, ses histoires s’étaient toutes mal finies. Si ç’avait été le cas, elle se serait sans doute jeter sur lui pour le rouer de coup, ou pire encore, elle lui aurait adressé la parole.

Il détourna la tête, les laissant disparaître dans le carrefour de couloirs, et jeta un regard à Lazar.

« C’est à toi… Philip. »

Un large sourire se dessina sur le visage du Burton, alors que Neveritshme se pinça les lèvres. Il inspira profondément, et finalement tourna les talons.
Tomas tendit sa main devant les fils entremêlés d’un air sérieux et tout d’un coup, on entendit un petit grésillement désagréable. Soudain, toutes les lumières étaient éteints, toutes les portes à ouverture « par badge » se fermèrent et les volets tombèrent. L’alarme n’hurlait pas cependant. Elle était pour le moment – tout comme la caméra de surveillance – déconnectée.

Lazar qui s’était dégagé du mur et avait laissé Tomas gérer le système électrique grâce à un simple court-jus arcanique, était déjà à hauteur du petit groupe. Son flair eut le mérite d’être efficace : pas besoin de deux minutes pour repérer les odeurs d’eau de Cologne et de parfum. Sa vision dans le noir lui permit d’approcher sans rien déranger. Il attrapa discrètement la miniature, du moins il aurait espéré être discret. Le petit grincement du plateau eut le malheur d’alerter le groupe.

« Vous avez entendu ? »

Lazar coupa sa respiration, et bien qu’il fit deux pas en arrière en se disant que tout irait comme sur des roulettes, il n’anticipa pas le flash de lumière qui lui illumina le visage. Les rétines du lycanthrope se rétractèrent et il poussa un petit grognement agacé. De l’autre côté de la lampe, un homme qui déjà se jetait sur lui. Neveritshme bondit en arrière, le corps parcourut d’un frisson désagréable, et commença à courir dans le couloir encore plongé dans l’obscurité.

« Fais chier… » Grommela-t-il, déboulant dans le hall d’accès où se trouvait encore Tomas, les doigts plongés dans les fils.

En l’entendant courir, le sorcier eut une grimace. Il ouvrit la bouche, peut-être dans l’espoir qu’un son en sorte. Lazar était déjà là, sifflant :

« Cours, cours ! »

La magie du Burton entra dans les fils et si la lumière revint, ce ne fut que pour surchauffer tous les néons. Les plafonniers explosèrent, laissant cependant un petit quart de seconde aux deux agents pour croiser le regard du jeune voleur.

L’obscurité revenue, Tomas passa devant, Lazar derrière lui cherchant à ne pas briser la miniature entre ses doigts. Le Vert Galant ouvrit chacune des portes d’un petit claquement de doigt, ce qui leur permit de semer un court instant les deux agents. Sans voiture, le loup-garou et le sorcier s’enfoncèrent dans un dédale de rue.

L’homme sur leur talon suivit naturellement Lazar, et Tomas savait bien que le lycanthrope, même sans être capable d’user de la magie, était doté d’autres atouts, comme le fait de pouvoir grimper aux murs par la force de ses bras, ou encore le fait de résister aux balles. Ce n’était malheureusement pas son cas, aussi il se sépara aussitôt qu’il en eut l’occasion de son binôme.

Il s’arrêta une petite seconde, tendant l’oreille. Les bruits de pas résonnaient dans tout le labyrinthe. Tomas se surprit à croiser de nouveau le regard de la blonde qui ne lâchait pas l’affaire. Il reprit sa course et tourna à droite pour finalement se retrouver dans une impasse. En face de lui, un muret de bien deux mètres le piégeait.

N’importe quel voleur aurait été inquiété, mais le jeune Burton savait qu’il avait encore une carte à jouer. Une carte délicate, interdite au nom du Grand Secret, mais une carte malgré tout.

Il se retourna, faisant face à l’inspectrice avec un sourire amusé, presque insolent.

« Est-ce que tu veux voir un tour de magie ? »

Entre sa survie, celle de sa famille et celle de la jeune femme, Tomas Burton n’était pas fou. Il n’avait pas même besoin de réfléchir à deux fois. Il leva les mains en l’air, mais ce ne fut que pour mieux les tendre brutalement en avant. Le sortilège s’échappa aussitôt, à la façon d’une boule grosse comme un poing, suffisante pour frapper la jeune policière de plein fouet et si possible, la mettre sur le carreau le temps qu’il ouvre un passage dans le mur derrière lui.

Un petit rire bref passa le seuil de ses lèvres, et mourut aussitôt. Au lieu de quoi, Tomas Burton fronça les sourcils, un frisson désagréable lui remontant en même temps l’échine. Il perçut assez clairement le propre étonnement de la jeune femme, mais fut trop surpris lui-même pour réagir à temps et profiter de l’occasion.
Planté dans l’impasse, mise en joug par une arme, Tomas regrettait déjà d’avoir pris des risques incroyables pour les petites lubies de Peter Greene, et encore plus d’avoir fait équipe avec Lazar Neveritshme.

Sa vie entière défila devant ses yeux alors que la balle se logeait derrière lui dans une brique un peu plus molle que le reste. Le jeune homme ne tremblait pas, mais commençait à comprendre que pour s’en sortir sans faire de mal à la jeune femme (Tomas avait une sainte horreur de la violence inutile et du sang), il faudrait être un peu plus ingénieux.

Surtout que la demoiselle était elle-même une sorcière... Avec une arme à feu...

Est-ce que c’était seulement légale ?

Le Vert Galant se fit la réflexion qu’il était très mal placé pour parler de légalité.

« Les mains, derrière la tête, genoux à terre, maintenant ! »

Tomas sembla réfléchir quelques secondes avant de finalement mettre lentement un genou à terre, puis un second. Ses mains se levèrent doucement pour se poser sur sa tête. Les menaces d’une petite flic comme elle ne durerait pas cinq secondes. Une fois l’arme rangée, il suffirait juste d’un petit tour de passe-passe pour qu’il ne se libère et ne reparte de plus belle, en espérant que Lazar ait eu plus de chance et ait traîné le fameux Joey plus loin encore.

Alors que la jeune femme s’approchait, et qu’il se montrait le plus docile possible, Tomas eut tout de même un petit sourire, la suivant du regard :

« Je doute que le fait d’user de la magie dans une ruelle lambda ne soit bien autorisé par la loi, mademoiselle...»

Burton eut un large sourire, lui jetant un regard. Il ne savait toujours pas si elle avait été étonné d’avoir réussi son sortilège (alors même qu’il ne représentait pas une grande menace) ou si elle avait été surprise d’être une sorcière.

Lui aussi avait découvert ça un peu comme ça. Il se souvenait vaguement, mais sa mère lui racontait souvent qu’il avait toujours eu un don pour se libérer de son berceau étant tout petit. Que c’était génétique. Tomas ne connaissait pas son père, mais ce dernier avait visiblement de quoi ouvrir toutes les serrures du monde, même celle du coeur de sa mère.

« Je ne savais pas que des sorciers travaillaient parmis les Middlings... c'est nouveau ? »

Les middlings, «ceux du milieu», du plan que les hommes avaient conquiert et où ils régnaient. Les Middlings, comme sa mère.

Il voyait bien qu’il la perdait à chaque mot. Il ne se souvenait plus exactement de sa propre réaction quand il avait découvert qu’il était différent des autres enfants. Il s’était sentit important et puissant, pendant quelques instants. Ça ne l’avait pas empêché de se faire jeter une ou deux fois dans les poubelles du vieux Collège de South Corvina. La magie ne faisait pas tout, hélas.

« Je ne savais pas que des sorciers travaillaient parmi les Middlings... c'est nouveau ? »

« Les quoi ? »

« Les Middlings » reprit Tomas, ses yeux cette fois dans ceux de Caitlin. Son sourire jusqu’à maintenant arrogant sembla s’adoucir, à peine, pour mieux poursuivre : « Ceux qui sont moyens. »

Si le terme « Middling » était neutre, certains sorciers l’utilisaient souvent de manière péjorative. Middling pouvait se traduire comme « ceux qui étaient au Milieu », entendu coincer dans ce plan coincé entre tous les autres, ou encore comme « les médiocres, les moyens ». Les sorciers qui pensaient ainsi n’étaient pas nécessairement des maîtres du mal, mais Tomas se souvenait du regard de certain sur ce qu’ils jugeaient comme inférieur. Un être aussi inférieur que lui, un « ancien Middling », ne méritait pas leur amitié.

Quelque part, en voyant Caitlin, il se souvint des premières années. De la main tendue de Peter Greene. Ça lui rappelait un peu pourquoi il se mettait toujours dans des situations pas croyables. Par loyauté.

Il se laissa faire quand elle lui attacha les poignets, levant un sourcil.

« Tu sais… ça ne servi-… »

Il se mordit la langue alors qu’elle le forçait au même moment à se lever. Ses genoux grincèrent légèrement, mais il n’y fit pas attention. Ses yeux clairs se plantèrent sur Jooey qui venait d’arriver. Il se fichait bien d’être plaqué contre le mur. Il ne voyait plus que l’homme. Il se demandait si lui aussi, il était un sorcier caché chez les humains.

« Ce qu'il court vite. Tu as géré, toi. »

Tomas eut un petit sourire moqueur. Lazar était un athlète de haut niveau. Comme tous les loups garous, il avait été béni par les Dieux pour surpasser sur le plan physique toutes les autres espèces de ce monde. Même le plus faible d’entre eux surpassait les créatures les plus féroces, à peu de chose près. Le jeune Burton tourna le regard sur la flic qui était en train de fouiller ses poches.

Il n’avait rien de particulier sur lui, si ce n’était cette petite montre à gousset impossible à ouvrir pour un Middling. Le petit verrou métallique ne s’ouvrait qu’au contact d’un flux magique, même léger. Si la jeune femme la touchait et jetait un regard à l’intérieur, elle aurait peut-être la peur de sa vie…

« C'est quoi ton prénom ? »

Un silence en guise de réponse, le sorcier jeta de nouveau un regard sur Jooey. Il n’aimait pas ce gars. Quelque chose dans sa façon d’être, dans son attitude, ne lui revenait pas.

« C’en est un, lui aussi ? »

Il s’adressa à Caitlin comme si elle avait toujours été une amie.

Caitlin ne trouva rien de dangereux dans les poches de l'inconnu. Elle lui viderait quand ils rentreraient au poste de police afin de les mettre dans les pièces à conviction le temps que l'enquête suive son cours. Pour autant, elle nota rapidement tout ce qu'elle vit, de sortes à ne rien oublier lorsqu'elle prendrait ses affaires. Pour autant, elle savait qu'il n'avait besoin de rien pour se sortir de là, puisqu'il semblait être magique. Probablement à cause de son ignorance, elle pensait qu'en lui isolant les mains et en lui empêchant de les bouger, elle lui éviterait d'utiliser des sorts.

La question de savoir comment il le garderait en cage sans qu'elle ne puisse dire qu'il était sorcier aux autres resta en suspens quelques instants dans ses pensées, avant d'être chasser par l'arrivé de Jooey. Elle lui avait demandé son prénom, mais il répondit par une autre question :
« C’en est un, lui aussi ? »

De sorcier ? Non. Et elle savait que c'était ce qu'il sous-entendait. Deux choix se présentaient alors. Le premier, c'était de lui dire la vérité, histoire de, peut-être, le tenir tranquille, vu qu'a priori, il ne fallait pas faire de la magie devant les midlings. Et le deuxième, c'était de ne rien lui répondre, histoire de le laisser dans le doute. De toute façon, elle mit rapidement de côté le premier choix, puisque cela n'avait pas dérangé le voleur d'user de magie à son égard alors qu'il ne savait pas encore qu'elle était, elle aussi, sorcière.
« Oui, c'en est un... D'inspecteur de Police. »

Elle trouva ça drôle, mais n'en montra rien. Elle le força à avancer pour se diriger dans la voiture. Un rapide échange entre Jooey et Caitlin eut lieu sur le chemin concernant l'objet volé pour savoir qu'ils leur avaient filé entre les mains.

Jooey ouvrit la porte arrière pour que Caitlin y rentre le voleur. Elle referma ensuite, puis elle monta sur le siège du passager avant.

« Oui, c'en est un... D'inspecteur de Police. »

Tomas Burton jeta de nouveau un regard à Jooey, mais n’esquissa aucun sourire pour lui. Il était étonemment calme et docile, surtout pour un voleur multi-récidiviste qui encourait peut-être une peine de quelques dizaines d’années. Il était d’autant plus étrange qu’il se laissa guider jusqu’à la voiture sans une seule protestation, tout au plus un regard vers les toits des immeubles environnants.

Installé à l’intérieur de la voiture, les mains dans le dos, Tomas semblait distrait, pour ne pas dire en pleine réflexion. Il jeta un regard au rétroviseur pour y voir Jooey qui s’attachait avant de démarrer la voiture. Le «vrrr» grave du moteur couvrit le cliquetis métallique des menottes qui tombaient mollement dans le dos de Tomas, libéré après un sort aussi silencieux que simple.

Les serrures des Middlings n’avaient rien de très compliquées. Les mécanismes étaient quelque chose de simple aux yeux de Tomas. Petit, il aurait même voulu être horloger.

« Je suis désolé. »

Caitlin tourna sa tête vers lui, mais c’était déjà trop tard.

Tomas avançait ses mains à travers la séparation. La vitre qui jusqu’alors était parfaitement solide explosa en mille petits morceaux et le jeune Burton attrapa la tête de Jooey de chaque côté. Ses mains rougirent, laissant s’échapper une petite lumière bleue, et aussitôt le flic tomba en avant, son front heurtant sans ménagement le volant.

Le voleur crut bon de préciser, alors que Caitlin s’alarmait :

« Il est juste endormi. »

Toujours assis à l’arrière du véhicule et d’un calme à toute épreuve, le sorcier inspira profondément. S’il sortait de cette voiture, il savait plus ou moins qu’elle le suivrait à tout prix. S’il se montrait un tant soit peu sympathique avec elle et la découverte incongrue de ce «don», peut-être qu’elle se montrerait plus... moins... intransigeante ?

« C’est illégal. » Il se racla légèrement la gorge, d’un air embêté. « Comme je le disais, on est pas censé faire de la magie sur les Middlings. Ça fait partit des grandes règles que tout sorcier doit respecter. »

Il eut un petit sourire en coin, un peu désolé presque :

« Mais je ne peux pas me permettre de me faire arrêter par la justice des hommes. Ma mission est... plus importante que ça. »

C’était plus ou moins vrai. Il servait bien une autre forme de justice que celles des hommes, mais même parmis les sorciers, Tomas Burton était un marginal. Un Vert Galant. Pas un paria, mais plutôt un anticonformiste.

Peter Greene disait souvent qu’il était plutôt un « petit con ».

« Je suis désolé. »
Caitlin se retourna machinalement vers Tomas lorsqu'il ouvrit la bouche pour s'excuser lorsqu'elle le vit poser ses deux mains sur la vitre en plexiglas qui les séparait. Aussitôt, la vitre implosa. Caitlin leva machinalement les mains pour se protéger le visage, avant de vite les rebaisser pour empêcher Tomas de tenter quoique ce soit.

Mais c'était trop tard, il avait déjà la tête de Jooey entre ses mains qui devinrent rouge. Une petite lumière bleuté apparut, et Jooey tombait tête la première sur le volant. Le klaxon s'enclencha aussitôt. Elle se détacha aussitôt pour voir si Jooey était encore vivant. Elle lui tira la tête pour voir un nez cassé, tandis qu'elle glissait une main pour prendre son pouls. Il dormait.
« Il est juste endormi. »

Elle le lâcha pour se retourner vers le voleur, la main sur son revolver. Il ne semblait pas bouger, comme s'il attendait quelque chose ou quelqu'un. Caitlin jeta un bref regard autour d'elle, mais ne tenta rien. Pas pour le moment, du moins.

« C’est illégal. » Sans blague. Il venait d'écoper d'au moins quinze accusations, et il osait parler d'illégalité. « Comme je le disais, on est pas censé faire de la magie sur les Middlings. Ça fait partit des grandes règles que tout sorcier doit respecter. »

Elle fronça les sourcils. Il voulait discuter. Caitlin intégra du coup qu'il y avait bien une loi qui stipulait que les sorciers ne devaient pas faire de la magie aux yeux des autres, et elle comprit du coup pourquoi on ne voyait pas de magie. Forcément s'il y avait aussi un code pénal... Elle ne tarda pas à faire le rapprochement avec les sorcières de Salem dont elle avait récemment vu un reportage sur une chaîne câblée alors qu'elle ne trouvait pas le sommeil.

« Mais je ne peux pas me permettre de me faire arrêter par la justice des hommes. Ma mission est... plus importante que ça. »

« Bah, tiens. » Elle leva les yeux au ciel. « Je me demande bien quelle importance ces œuvres d'art avaient pour que tu les voles. Et l'autre, là, ton pote, il est aussi sorcier ? C'est quoi ton nom ? Pourquoi tu veux discuter tout à coup, et pas te téléporter ou t'envoler sur ton balai magique ? »

Elle ne savait pas trop quoi faire. De son autre main, elle avait saisit son téléphone discrètement tout en gardant le voleur droit dans les yeux pour demander du renfort. Elle n'avait pas encore conscience qu'elle appartenait réellement à son monde, ni qu'elle pouvait encourir un grave danger si elle le livrait aux autorités puisqu'elle-même était une sorcière. C'était une flic avec des idées de la justice qui allait au delà de tout ça.

« Mais je ne peux pas me permettre de me faire arrêter par la justice des hommes. Ma mission est... plus importante que ça. »

« Bah, tiens. Je me demande bien quelle importance ces œuvres d'art avaient pour que tu les voles. Et l'autre, là, ton pote, il est aussi sorcier ? C'est quoi ton nom ? Pourquoi tu veux discuter tout à coup, et pas te téléporter ou t'envoler sur ton balai magique ? »

Tomas la fixa un long moment avec des yeux un peu ronds, un peu surpris sans doute. Même enfant, il ne s’était jamais imaginé être un sorcier. Quand il avait commencé à ouvrir les portes fermées à clef par la simple volonté, il ne s’était jamais dit qu’il deviendrait une sorte de vieux fou avec un balais et un vieux chat noir et acariâtre.
D’ailleurs, il espérait très sincèrement que son superbe costume ne donne pas une impression un peu désuète, pour ne pas dire totalement ringarde, du sorcier. Il l’avait bien cher, dans une des meilleures boutiques de tailleur de toute l’Amérique. Ça lui avait coûté presque un rein, mais c’était une chose, chez les Verts Galants, que de montrer toujours plus l’étendue de son égocentrisme exacerbé.

Finalement, le jeune Burton eut un rire sincère et détendu, alors même qu’elle tenait une arme et était sans doute prête à lui loger une balle dans le crâne au premier faux pas.

« Non… Tu sais, le monde magique est très proche du monde normal. » Il haussa les épaules, ce qui lui donnait un petit air désinvolte adorable et agaçant en même temps. « Je suis un peu comme toi. J’obéis aux ordres qui viennent d’en haut, et on ne me demande pas vraiment de réfléchir. Et on ne me donne pas toutes les infos, pour... certaines raisons, t'imagines bien. »

Si Peter Greene avait été là, il aurait sans doute fustigé son protégé que si, au contraire, il avait tout fait pour que Tomas Burton soit un homme intelligent et réfléchi. Bien sûr il l’était toujours plus que Lazar Neveritshme, mais c’était assez simple. Cette cervelle de piaf ne méritait pas le nom de « loup-garou » tant il avait le cœur bon.

« J’ai été comme toi, à une époque. »

Il ignorait pourquoi il prenait ce temps pour elle, ou encore pourquoi il se trouvait fasciner par cette situation. En temps normal, Tomas était efficace mais discret. Peu bavard. Lazar parlait pour deux. Il pencha la tête. Peut-être parce qu’elle lui rappelait un peu sa mère quand elle avait découvert que le fils de « cet homme » ne faisait pas que lui ressembler physiquement.

« Je ne sais pas si tu as de la famille… comme ça… »

Le regard clair de Tomas observait les réactions de la jeune femme avec une certaine impatience.

Le jour où il avait appris être un sorcier, il s’était senti si bien, si fort.

L’homme le plus fort du monde…

Caitlin était très sérieuse,malgré son ton sarcastique. Et le voir éclater de rire, même si son hilarité était sincère, lui donner envie de lui enfoncer son poing bien profond dans sa tête. Elle se retint, affichant plutôt une moue blasée.
« Non… Tu sais, le monde magique est très proche du monde normal. » Elle se mâchouilla la lèvre, plissant ses yeux, l'air sceptique. Elle ne commenta pas, puisqu'elle n'y connaissait tout simplement rien. Là où sa sœur, probablement, avait déjà lu l'épais grimoire qui semblait être la source de tous leurs pouvoirs. Elle se jura, en quittant le travail, de se rendre directement dans la maison familiale.

« Je suis un peu comme toi. J’obéis aux ordres qui viennent d’en haut, et on ne me demande pas vraiment de réfléchir. Et on ne me donne pas toutes les infos, pour... certaines raisons, t'imagines bien. » « Oui, sauf que moi, même si je me prends une mise à pieds, lorsque ça me paraît louche et borderline, je ne prends pas le risque. C'qui fait que, ouais, tu es juste un peu comme moi. » Répondit-elle du tac-o-tac, même si elle comprit bien qu'il n'était qu'un pion dans l'échiquier ce qui laissait présager une bien belle organisation derrière le nom de Vert Galant. Non, elle mettait la charrue avant les bœufs. Il ne lui avait encore rien dit qui laissait croire qu'il était effectivement un Vert Galant. Ce qu'elle espérait du plus profond de son cœur. On imaginait pas ce que ça pourrait lui amener comme prestige de coffrer un membre de cette organisation... Le fait que personne n'est pu choper quiconque qui en fasse partie renforcer tout le mythe que certains avaient imaginé pour justifier des affaires sans suspect.

« J’ai été comme toi, à une époque. Je ne sais pas si tu as de la famille… comme ça… » Elle ne voulait pas répondre, mais elle finit par lâcher un : « Je suis complètement perdue. Quand ma sœur m'a dit ça, j'étais genre : ouais d'accord. Puis elle m'a montré le grimoire, et j'ai préféré me barrer. Je suis plutôt terre-à-terre. mon frère, lui... En faites, je sais pas ce qu'ils en pensent. Moi, les conneries sur la magie, Dieu &co, j'y croyais pas jusqu'à maintenant. Du coup, c'est un peu tout ce en quoi je ne croyais pas qui... A l'air d'exister, en faites. »

Elle semblait clairement déboussolée. Et en parler lui faisait du bien. Même si c'était... Avec un voleur.

« Oui, sauf que moi, même si je me prends une mise à pieds, lorsque ça me paraît louche et borderline, je ne prends pas le risque. C'qui fait que, ouais, tu es juste un peu comme moi. »

Un petit sourire en coin se dessina sur les lèvres de Tomas Burton qui ne le prit pas mal. À vrai dire, il se fichait un peu de ce que cette petite étourdie lui reprochait. Il avait besoin de cet argent, besoin d’aider sa mère comme il le faisait depuis qu’elle était tombée malade. Besoin aussi de soutenir sa petite sœur. Il était le dernier « mec » de la maison.
Elle ne pourrait sans doute pas comprendre, et quand bien même elle le pouvait, il n’était pas le genre à faire pleurer dans les chaumières avec son histoire. Pas besoin de faire la manche ou de quémander. Il gagnait son pain plus ou moins légalement, sans jamais se salir les mains. Tomas n’était pas un tueur. Juste un voleur.

« Je suis complètement perdue. Quand ma sœur m'a dit ça, j'étais genre : ouais d'accord. Puis elle m'a montré le grimoire, et j'ai préféré me barrer. Je suis plutôt terre-à-terre. mon frère, lui... En faites, je sais pas ce qu'ils en pensent. Moi, les conneries sur la magie, Dieu &co, j'y croyais pas jusqu'à maintenant. Du coup, c'est un peu tout ce en quoi je ne croyais pas qui... A l'air d'exister, en faites. »

De nouveau, un sourire s’étira sur ses lèvres alors qu’elle se livrait sur ses sentiments, et surtout, sur cet instant même. L’instant où toutes les choses autour de nous semblent en flottement, où tout semble irréel, entre le cauchemar et le rêve. Être un sorcier impliquait énormément de choses. Elle l’apprendrait quand il faudrait faire les démarches de recensement auprès du Gouvernement. Mais contrairement à lui, elle n’était pas seule. Elle s’en sortirait.

« Ça fait toujours bizarre la première fois. » Ses yeux se croisèrent, et sans trop savoir pourquoi, Tomas enchaîna le plus naturellement du monde : « La première fois, j’avais six ans. Je ne sais plus trop comment ça s’est passé, mais j’ai déverrouillé une porte que ma mère avait pris le soin de fermer. Ça a été toute une histoire après ça, parce qu’il n’y en a pas d’autre comme moi dans ma famille. Si tu es entourée, ça devrait être plus simple. Ça va prendre un peu de temps avant que tu t’y habitues, mais une fois que tu t’y seras faite, ça sera... Magique. Tu ne pourras plus jamais t’en passer. Comme si tu venais de te trouver. »

Il s’étira calmement, jetant un œil par la fenêtre de la voiture.

« Je vais devoir y aller. On va finir par s’inquiéter. » Peter Greene devait déjà attendre, et Burton n’avait pas envie que son patron n’arrive dans la ruelle. Il ne voulait pas qu’il n’entre dans sa mémoire, même s’il n’avait pas vraiment envie qu’elle se souvienne de lui. « On pourra toujours se revoir. » Il lui jeta un regard en coin, captant rapidement sa réaction, l’accueillant avec un petit ricanement amusé : « Si tu me cherches, tu me trouveras. Si tu as des questions, j’y répondrais volontiers, mais seulement si tu es seule. Je pourrais même te faire faire une visite d’un petit coin sympa... Inspectrice. »

Il ouvrit la portière.

« Ça fait toujours bizarre la première fois. »
Caitlin fronça les sourcils, car pour elle, sa première fois, venait de passer, et dans le feu de l'action, elle n'en avait retiré aucune émotion. Elle n'était d'ailleurs pas sûre de réussir à nouveau une telle prouesse. Elle lâcha son arme, sachant très bien que de toute façon, elle ne lui serait d'aucun secours ici. Pas dans cette situation tout du moins. Si elle avait pu le tuer, c'était tout à l'heure, dans la ruelle. Mais elle était trop juste pour le faire. Surtout comme ça.

« La première fois, j’avais six ans. Je ne sais plus trop comment ça s’est passé, mais j’ai déverrouillé une porte que ma mère avait pris le soin de fermer. Ça a été toute une histoire après ça, parce qu’il n’y en a pas d’autre comme moi dans ma famille. Si tu es entourée, ça devrait être plus simple. Ça va prendre un peu de temps avant que tu t’y habitues, mais une fois que tu t’y seras faite, ça sera... Magique. Tu ne pourras plus jamais t’en passer. Comme si tu venais de te trouver. »
Caitlin ne put s'empêcher de faire le rapprochement avec le permis de conduire. Une fois que l'on pouvait le faire, même aller au coin de la rue pour acheter le pain, on prenait la voiture. Elle l'écouta parler, désireuse d'avoir un témoignage de quelqu'un ayant plus ou moins connu cette situation, mais elle ne rajouta rien. Elle aurait pu se montrer sarcastique, en lui disant qu'il avait le vol dans le sang, et même extrapoler en rajoutant qu'il n'était qu'un bon à rien, un voyou, ou que savait-elle. Mais elle n'en fit rien.

Puis, il lui dit, au calme, qu'il s'en allait, et ajouta : « Si tu me cherches, tu me trouveras. Si tu as des questions, j’y répondrais volontiers, mais seulement si tu es seule. Je pourrais même te faire faire une visite d’un petit coin sympa... Inspectrice. » Elle le regarde ouvrir la portière, mais elle ne fit rien. Elle reporta son attention sur Jooey, et préféra s'occuper de son coéquipier qui était toujours dans les vapes pour savoir commet il allait. Elle n'avait pas l'envie de se battre. Plus pour le moment. Ses problèmes personnelles avaient pris le dessus, et... On verra bien ce qu'elle dira pour expliquer le fait que le voleur leur ait échappé. Caitlin l'avait trouvé plutôt intéressant, même si elle trouvait ça très stupide d'utiliser ces pouvoirs de la sorte. Mais lorsqu'elle aurait fini sa journée de taf, elle savait très bien où elle allait se rendre : Chez sa mère.