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 L'amour est un tyran qui n'épargne personne. | Livre II

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Ezechkiel Ier Aldea

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MessageSujet: L'amour est un tyran qui n'épargne personne. | Livre II   L'amour est un tyran qui n'épargne personne. | Livre II EmptyDim 20 Jan - 23:35



L'amour est un tyran qui n'épargne personne. | Livre II
Dans la pénombre du cloître piégé vers Saint-Etienne, une odeur horrible s’élevait comme un fumée chaud et épais. Néhémie n’aimait pas cette odeur. Elle lui rappelait cruellement les immenses charniers qu’il avait étendu sur la terre de Valachie, à l’époque où il jouait encore un rôle parmi les Middlings. Il se souvenait des cadavres rongés par les vers, les soldats passant entre chaque rangée, attrapant ici et là des hommes, parfois des femmes, pour les accrocher sur les pals devant le regard sévère de l’héritier qui se voulait impassible.
Le sang et la saleté tâchaient ses mains, mais ça ne faisait pas de différence pour Néhémie. Il ne connaissait aucun homme sur terre qui n’avait jamais fait du mal, ou peut-être bien un seul, mais c’était celui qu’il avait accroché à son cœur.

« Ezechkiel... »

Entre les pierres de l’ancienne Collégiale, Ezechkiel attendait en silence, le visage plus pâle qu’à l’accoutumée. Assis sur le sol, les jambes devant lui, il caressait avec une certaine tendresse la tête blonde d’Ephèbe. Néhémie n’aurait rien dit si seulement le corps de l’enfant ne dégageait pas déjà une odeur pestilentielle qui le prit à la gorge aussitôt qu’il était entré dans la chambre de son frère.

Odalisque lui avait demandé de venir voir ce qui se tramait ici après qu’Ezechkiel ne l’ait gentiment renvoyé de leur demeure, de ce « petit nid » dans lequel le Prince des Putains avait décidé d’attendre Rosarjo. Il avait encore eu l’espoir que quelque chose n’arrive, que quelque chose ne lui offre l’occasion encore une fois de l’avoir dans ses bras.

Tuer Éphèbe ne lui ressemblait cependant pas. Chasser Odalisque non plus.

Néhémie serra légèrement les crocs.

« Qu’est-ce que... tu as fais... ? »

Le Prince des Putains releva le visage, comme s’il venait - enfin - de voir son frère. Néhémie avait pourtant fait du bruit en poussant la vieille porte en bois. Il ne s’était caché de rien, n’avait pas essayé d’amoindrir le cliquetis du métal contre sa cuisse, ou encore moins d’étouffer le bruit de ses pas résonnant dans les longs couloirs. Ezechkiel était également un soldat. S’il avait voulu, il aurait pu l’entendre dès son entrée.

Il baissa légèrement la tête cependant, sans trop faire attention à son invité. Ses yeux bleus balayèrent le visage creusé du cadavre. L’odeur lui arriva dans les narines, mais si ce n’est une grimace écœurée, rien ne sortit d’entre ses lèvres. Il avait vécu avec la nausée si longtemps qu’il ne la ressentait plus qu’à moitié.

« Je... Je voulais être libre... Néhémie. »

Un petit silence alourdit l’atmosphère entre les deux frères. Lentement, Ezechkiel repoussa Éphèbe sur le côté, la faisant rouler. Sa tête molle dodelina mollement, se montrant plus hideuse encore aux yeux du second Prince. Il y avait un quelque chose de pathétique, mais de rassurant. Au moins, l’horrible créature engendrée par son frère était morte. Définitivement morte.

« J’ai bien réfléchi, tu vois » reprit Ezechkiel, tirant doucement la couette sur le corps séché, « et je crois que tu as raison. »

« Sur ? »

« La dernière fois que nous nous sommes vu, tu m’as dis que je pouvais être heureux, si je me libérais. Que je le pouvais. »

Néhémie fronça doucement les sourcils. Son frère était si lunatique, si changeant, qu’il n’arrivait pas toujours à le comprendre. Le Don Obscur et leur deux sangs différents avaient aussi eu pour effet de légèrement briser ce lien qu’ont les jumeaux. Quelque chose entre eux s’était brisé, et Dante pouvait bien en être fier.

« Qu’est-ce que tu comptes faire, Ezechkiel ? »

Le visage d’Ezechkiel se détendit alors même qu’il jaugeait le corps d’Ephèbe. Il ignorait depuis combien de jours il était resté ainsi, à repasser dans sa tête toutes les choses qu’il devait encore faire, à lister toutes les choses desquelles il voulait se venger, à ré-imprégner son corps de cette volonté qui lui avait fait voler une dernière fois un baiser froid mais vivant sur les lèvres de la Reine des Damnés.

« Je vais me libérer, Néhémie. » Conclut calmement Ezechkiel, levant sur son frère un regard aussi sombre que décidé. « Je vais me libérer de Dante. »



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MessageSujet: Re: L'amour est un tyran qui n'épargne personne. | Livre II   L'amour est un tyran qui n'épargne personne. | Livre II EmptyLun 21 Jan - 20:02

Il n’aurait jamais cru remettre les pieds en Slovaquie. Le pays n’avait pas énormément changé, du moins pas le petit village où il avait entendu pour la première fois parlée de cette femme savante que tous aimaient détesté. Erzsèbet était une femme d’une intelligence vive, assez pour que Mihai ne l’estime aussi dangereuse que Kohar. Ezechkiel ne s’était jamais intéressé à son histoire, mais Néhémie le lui avait répété à l’ombre des pierres. Dans le château de Čachtice, la comtesse aurait été emmuré dans sa chambre. Les portes et les fenêtres auraient été couvert de briques épaisses et à jamais elle aurait été scellé.
Elle y serait encore, vivante mais à jamais endormie. Attendant que quelqu’un ne la réveille. Que quelqu’un outrepasse les droits des morts et ne pénètre dans le vieux château gothique pour en tirer de son sommeil l’espiègle Erzsèbet Bathory.

« Il n’y a qu’un fou qui irait jusqu’à Čachtice. » Néhémie l’avait mise en garde, lui avait dit qu’il ne le suivrait pas. Ezechkiel comprenait. Après tout, il avait Catharsis - ou Ansgar. Il avait quelque chose à perdre. Ils n’étaient plus si identiques qu’avant, à vouloir les mêmes choses, à aimer les mêmes corps. C’était la première fois que Néhémie lui disait non. C’était la première fois qu’il était véritablement seul.

Son coeur se serra, mais il était encore et toujours mort. Il avança en silence sur la pente raide qui s’élevait jusqu’au Château de la Comtesse dont il ne restait que quelques ruines. Derrière lui se tenait une femme, précédant cinq autres jeunes femmes, plus petites mais plus jeunes.

« Čachtice est enfin devant nous. »

Ezechkiel eut un sourire satisfait sur les lèvres avant de s’arrêter juste devant les portes. Il aurait cru croiser une âme - et c’est pour cela que Vermeil l’avait accompagné - mais au lieu de ça, pas une seule âme vivante n’avait persévéré. Le lieu était dit si hanté, si sombre, que même les démonistes ne s’y aventuraient pas. Les loups-garous s’en éloignaient même en période de pleine lune, et les chasseurs du sud prenaient toujours le chemin le plus bas dans la vallée. Le Prince lui même pouvait ressentir le poids d’un vécu, comme si l’antique présence de la Comtesse pesait encore sur les lieux.

« Tu peux y aller, Vermeil. Je vais faire le reste. »

« Comme le veut le bon Prince des Putains... »

Le vampire se retourna aussitôt. D’habitude, rien ne se passait. Vermeil n’eut pas le temps de comprendre son erreur - et si c’en était vraiment une - que les deux billes bleus de glace la fixaient déjà. Quand elle croisa son regard, son corps tout entier se tendit. Ainsi, elle aurait été incapable de faire le moindre mouvement. Sa respiration se coupa et si elle n’en avait pas besoin pour survivre, suffoquer lui donnait une impression de mourir encore.

« Je ne suis plus Prince de quoi que ce soit, Vermeil. »

La jeune femme ne put répondre, et attendit en silence qu’il ne la « relâche ». Ezechkiel tourna les talons, attrapant d’une main forte les deux portes barrées de lierres, de ronce et de chaînes. Elles étaient rouillées et anciennes, preuve qu’on avait pas été ici depuis des années, pour ne pas dire des siècles.

« Qu’es-tu alors, Ezechkiel ? »

Un petit silence l’interrompit dans son œuvre. Les cinq jeunes femmes derrière lui l’observaient comme si elles n’avaient été que des enfants curieuses. Dans leur linge léger de lin clair, elles ressemblaient à ses images fantasques de jeunes vierges sacrifiées à quelques jeux glauques.

« Un pauvre fou. »

Un petit rire traversa ses lèvres alors. Il n’y avait qu’un fou pour ne pas avoir peur d’ouvrir les portes de Čachtice.



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MessageSujet: Re: L'amour est un tyran qui n'épargne personne. | Livre II   L'amour est un tyran qui n'épargne personne. | Livre II EmptyMar 22 Jan - 13:02

Les pans des murs s’étaient par endroit effondrer, et on trouvait ici et là quelques ossements, quelques morceaux de fers, et parfois même, de la belle argenterie qui avait pris le temps de noircir. Ezechkiel imaginait que le château avait été abandonné. Que personne n’avait jamais voulu y entrer, et si quelques ères s’y étaient perdus, ils avaient également perdu la vie. Ils ne restaient de la beauté du château qu’un relent amer.
Etait-il bien certain de vouloir s’opposer à Dante ? La bile noire qui empoisonnait sa gorge lui faisait croire que oui. Il y avait eu un certain amour à un moment, un sentiment d’envie. Il ne comptait plus le nombre de fois où il avait susurré son prénom, où parfois même, il l’avait feulé. Contrairement à Néhémie, Ezechkiel n’était pas un homme à hommes. Un homme à putains, ça, oui. Il avait cherché pendant près de cinq cent ans le même émoie que la fois où il avait fait d’une enfant-reine une femme, que cette fois parfaite où il s’était trouvé à l’endroit que le monde avait dessiné pour lui, perché sur le sein protecteur et séducteur de l’infante, de l’amie, de l’amante.

Il avait cherché, mais il n’y en avait jamais eu une seule de similaire. Quand parfois même elles lui ressemblaient de trop, il finissait par serrer leur gorge claire en pleurant toutes ses années, toute sa peine, en s’excusant aussi.

Est-ce qu’Azur lui en voudrait ?

Ezechkiel s’arrêta calmement face à la porte de la chambre. La Comtesse y avait été murée. Vlad n’avait jamais voulu en entendre parler. Dante se mettait dans des humeurs rien que lorsqu’on évoquait son prénom. Erzsèbet Bathory. Fallait-il qu’elle ait été un tyran elle aussi pour être honnie de la sorte ? Quel genre de femme avait-elle pu être ? Le Prince eut un petit moment de réflexion, interrompu par les rires des jeunes filles qui s’étaient déjà mises à danser en rond, comme des nymphes.

Ses doigts s’enfoncèrent dans une fente qu’on avait dessinée à même la pierre, peut-être pour la nourrir dans un premier temps. Peut-être. Personne n’en parlait, comment aurait-il pu savoir ? Il disparut en une brume noire, s’immisçant à l’intérieur de la fente pour finalement pénétrer dans la chambre. L’intérieur était poussiéreux et ourdi de multiples toiles d’araignées. Pas un seul rat cependant, car il n’y avait rien à déguster ici.

Les jeunes filles le suivirent avec de petits rires, mais Ezechkiel ne leur porta aucune attention. Elles n’étaient tout au plus que du bétail, et il avait bien trop la rage dans le sang pour faire preuve de complaisance. Il n’avait qu’une chose en tête. Une seule chose.

L’œil clair de l’Aldea parcourut la chambre, d’un air sombre.

Il s’arrêta sur le lit où était allongé un corps desséché mais débordant d’une énergie aussi sombre que sale. Quelque chose de poisseux. Une odeur détestable, mais qu’il portait lui-même. L’odeur de la mort. Le Prince s’approcha de quelques pas, détaillant sa position. Les bras en croix sur la poitrine, son visage était trop sec pour savoir si elle souriait, ou si elle était fâchée.

Elle devait être agacée. Elle avait été enfermée là, elle aussi. Elle aussi, Vlad l’avait pourchassé jusqu’au bout du monde, mue par quelques délires de vieillard. Il le détestait aussi. Il les détestait tous.

Ezechkiel serra légèrement la mâchoire et tourna son visage vers les jeunes filles qui se regardaient, toujours en prise aux hallucinations et à la manipulation de Vermeil. De véritables enfants, riant gaiement. Lentement, le Prince décrocha de sa ceinture sa fidèle épée. Celle-là même qu’il avait plongé dans le corps encore épais d’Alexandru, et dans tous les êtres qui s’étaient un jour opposés à lui, en Valachie jusqu’ici. Tous, à l’exception d’un seul.

Une jeune fille s’arrêta de rire quand ses yeux croisèrent ceux d’Ezechkiel. Elle se fit toute muette, incapable de détacher son regard des billes claires. Au lieu de ça, elle approcha sur la pointe des pieds. Dans ses petites chaussures blanches, elle ressemblait à un petit ange adorable. Cinq ans auparavant, le Prince des Putains en aurait peut-être fait son jeu du soir, ou du matin. Peut-être qu’il l’aurait gardé jusqu’au midi, pour la déguster entre deux cabrioles pathétiques.

Désormais, il ne lui était plus possible de penser à autre chose qu’à elle.

« Approche… »


La gamine approcha encore. Ezechkiel leva lentement la main, attrapant avec une certaine force ses beaux cheveux blonds. Il la fit pencher en avant, juste au-dessus du cadavre. Elle ne cilla pas, car à ce moment-là, la jeune vampire était tout bonnement incapable de ne pas se plier aux ordres du Prince. Il était bien trop décidé, et elle, trop jeune pour se défaire de son emprise. Elle se mordit la lèvre en sachant ce qui allait se produire.

La morsure du fer froid contre sa jugulaire la fit gémir. Elle se mit à pleurer de grosses larmes de sang, alors même qu’il se répandait déjà en jets chauds et abondants sur le cadavre endormi. Elle convulsa, se tordit, mais Ezechkiel ne lâcha pas sa prise, de sur sa tignasse comme du reste. Il attendit qu’elle soit toute molle pour la laisser tomber au sol, et plus tard, il fit de même avec une seconde, une troisième et une quatrième.

La cinquième était toujours là, toute silencieuse, assise sur le sol sur ses genoux bien pliés. Ses longs cheveux noirs parfaitement ramenés à l’arrière de son crâne. Elle était plutôt jolie et docile. S’il ne l’avait pas tué, c’était bien qu’il n’en avait pas besoin. Le corps sec avait tout bu jusqu’à la dernière goutte, et il avait vu la peau se tendre, les muscles se gonflaient à nouveau.

Maintenant qu’il se trouvait dans cette pièce, quatre jeunes vampires mortes à ses pieds, Erzsèbet Bathory face à lui, et cette enfant perdue derrière lui, Ezechkiel se sentit presque libre.

Le sang de Dante coulait toujours dans ses veines, mais il y avait quelque chose de satisfaisant à relever la Comtesse. Il imaginait déjà la tête de Dante en apprenant la nouvelle, ou de Vlad.

A tous ceux qui n’avaient jamais voulu autre chose que de le briser…



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Erzsébet



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MessageSujet: Re: L'amour est un tyran qui n'épargne personne. | Livre II   L'amour est un tyran qui n'épargne personne. | Livre II EmptyJeu 24 Jan - 21:59

Il ne restait rien ou presque du château qui jadis avait été le cadeau de noces de Ferenc. Le nom du chevalier noir était depuis longtemps tombé dans l'oubli, tout comme les impressionnantes gardes de la forteresse qui surplombait Višňové. Il semblait qu'à chaque bourrasque, Čachtice, s'effaçait un peu plus du paysage comme autant de grains de sable gris emportant avec eux les plus sombres histoires du pays. Et dans chaque hurlement sinistre, on entendait encore les accusations, les mêmes mots tournés et retournés dans la bouche du commun des mortels, le bas peuple des Carpates, aujourd'hui poussière de poussières d'os desséchés. Personne ne s'aventurait aux abords des ruines du château de Čachtice. Il y avait dans son ombre une ombre plus grande encore. Des relents d'une folie cruelle et dévorante. Monstrueuse. Et cette folie prenait corps en tout ceux qui s'y risquait. Elle vous imprégnait jusqu'à la moelle, intimement présente et intense. Inexorable. S'aventurer ici, c'était se livrer aux griffes du Diable corps et âme. Était-ce son martyr ou celui des légions de ses victimes qui hantait encore les lieux, presque tangible à un improbable visiteur. Nul n'aurait su le dire car déjà à l'époque, on ne tenait rien pour sûr. On avait tout simplement écouté, prêté un peu d'empathie aux plus faibles et banni à jamais de ce monde l'Abomination qui se muait dans le corps d'une femme. On s'y était si bien appliqué que finalement, il ne restait plus de Čachtice que son noyau central. Ce cocon de perpétuité entouré d'une vaine ronde de pierre.

Si l'on résistait un tant soit peu à l'étreinte de la démence, si l'on passait au-dessus des rires déliés qui suivaient le Prince des Putains dans un cortège sinistrement gai, on pouvait encore entendre comme un souffle. Un long râle d'agonie qui avait mis près de quatre années à expirer. C'est que le sang d’Aleth, cadeau de l'Aîné dont elle n'avait pas voulu, avait fait son œuvre, lentement et avec perfidie, prolongeant l'agonie jusqu'à ce dernier souffle. Elle s'était levée, silhouette cadavérique tourmentée par la fièvre, la haine et la faim et, dans un éclair de lucidité, elle avait patiemment noué dans ses cheveux une tresse qu’elle avait passée en couronne au-dessus de sa tête, comme autrefois, puis elle s’était allongée, gisant au bord de la mort pour l’éternité. Pour sûr, ses chairs s’étaient desséchées moins vites que le linge de soie qui drapait le lit n’était tombé en lambeaux. Ainsi sommeillait le monstre dans son lit tandis que sa réputation courait encore les livres d’histoire et la légende populaire.
Et puis quelque chose d’indéfinissable. Un brasier de lucidité enflammée dans son état de pesante léthargie. Le liquide pourpre trouvait son chemin tout naturellement comme le Mâlin trouve toujours son chemin dans les lézardes des faiblesses de l’Homme. La comtesse sanglante. Avait-elle jamais mieux porté ce titre ? C’est en convulsant de tout son être que le macchabée s’éveilla à nouveau à la dévorante faim qui l’avait occise. Le pauvre petite oiselle qui avait survécu au sacrifice rituel aurait eu toutes les raisons du monde de s’arrêter de pépier. Les prunelles noires comme abysse de la comtesse la poignardaient déjà tandis qu’elle semblait se rasséréner. Il lui fallait pour cela une extrême force de volonté. Une application qui trahissait un grand pouvoir quoiqu’elle n’eut encore rien dit, rien fait. Cet éveil-là avait quelque chose de terriblement menaçant sous couvert d’un visage paisible et dur à la fois.

Ses cheveux aile de corbeau s’étaient parés d’un magnifique lustre carmin qui la faisait par moment paraître auburn. Mais tout le reste de sa personne était resté le parfait reflet de ces portraits de Lucrezia Panciatichi dont l’imposture faisaient le tour des écrans dix sept pouces du monde entier. Un peu guindée mais fraîche comme la rose, malgré un air sévère. Seuls ces yeux noir charbon, qui promettaient le pire derrière leur placidité dérangeante mettaient en défaut la comparaison. Elle n’avait rien de la cinquantenaire qu’on aurait dû s’attendre à trouver là. Elle n’avait rien non plus d’une momie.
Après une éternité à le dédaigner, ses doigts fermement resserrés sur le rebord du lit trahissant une violence qu’elle se faisait à elle-même de refreiner les ardeurs surnaturelles du don obscur, enfin l’ovale marmoréen de son visage se tourna vers celui qui lui avait fait grâce.

« László … », un sourire fané effleura ses lèvres, « Hum… », son attitude changea ouvertement alors qu’elle le jaugeait, « A quel sinistre dessin dois-je l’honneur de cette grâce… étranger ? »

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MessageSujet: Re: L'amour est un tyran qui n'épargne personne. | Livre II   L'amour est un tyran qui n'épargne personne. | Livre II EmptyLun 4 Fév - 12:23


Les yeux du Prince cillèrent de nombreuses fois, mais loin du dégoût ou de la fascination, ce qui l’étreignait là frôlait davantage le plaisir. La satisfaction se lisait toute entière sur son visage, et si elle s’était jetée à sa gorge pour le vider de tout son sang, il serait sans doute mort avec ce sourire à jamais gravé sur ses lèvres pâles. Quelque chose d’incroyable était en train de se produire, se disait la dernière petite chose encore en vie dans la pièce, quelque chose qu’elle n’arrivait pas encore à appréhender. C’était grave, c’était important, même infini, mais si volatile, si fragile, qu’elle n’en saisissait ni les tenants ni les aboutissants. La chose était que Vermeil ne lui avait rien dit, si ce n’est qu’elle allait réveiller une grande Vampire et que toutes les choses qui suivaient Vermeil écoutaient sa voix comme si elle avait été celle d’un apôtre antique. Elle ne regrettait pas tant que ça de ne pas être morte, ou encore de l’avoir suivi jusque-là. Mieux que ça, le visage de la femme qui se relevait devant elle la subjuguait entièrement. C’était comme rencontrer Dieu en personne.

La petite créature se tordit les doigts alors que le Prince qu’on ne pouvait plus surnommer « des putains » sous peine d’être tué sur le champ se tournait vers la renaissante toute peinte de carmin. Elle s’humecta les lèvres, car l’odeur de l’hémoglobine réveillait ses appétits et ses iris plus noirs que le jais se rétrécirent tant l’instinct la frappait.

Elle n’écouta pas ce qu’il se dit, trop concentré que le petit « ploc » que faisaient les gouttes en s’écrasant sur le sol gris pavé.

« Aucun. »

Un sourire calme s’était dessiné sur le visage de marbre de l’éternel adolescent. Ezechkiel Aldea avait été fauché dans sa dix-huitième année, et les deux années de guerre qu’il avait mené n’avait en rien abîmé son visage. Le Don Obscur avait peut-être obscurcit ses prunelles céruléennes. Ou était-ce la peine des amours déçus ?

« Moi, Ezechkiel, je te libère de ta prison. Tu es de nouveau maîtresse de ton destin. Fais ce que bon il te plaira. »

Si Néhémie avait été là, il aurait pu croire qu’il se parlait à lui-même. Comme s’il voyait en cette femme, aussi terrible que pitoyable finalement, l’image de ce qu’il avait été ces cinq derniers siècles. Une piteuse momie, un petit mannequin plaisantin, faisant de beaux ronds de jambe pour s’occuper. Se remplir la tête de toutes sortes de choses pour ne plus avoir à se concentrer sur la peine.

Maintenant qu’il avait accepté son sort, Ezechkiel semblait plus détendu. Ses épaules portaient toujours le poids de cette incroyable insatisfaction que le Destin lui avait donné, mais le châtiment était plus léger car Rosarjo était heureuse.

Il tendit une main galante avec un sourire charmant, avec une certaine tendresse. Elle était peut-être bien plus forte qu’il ne le serait jamais, mais il trouvait dans cette scène un quelque chose d’amusant. Il compatissait à son sort plus qu’il n’aurait cru pouvoir compatir.

« Tu es enfin libre, Erzsèbet. »


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